Sophie-Dorothée Kleiner nous propose depuis 2018 ses Paysages Intérieurs, des dessins nés tant de l’observation du vivant que d’une introspection.
Tout part du mouvement, de la ligne, ou comment créer un nouveau langage pour exprimer nos états intérieurs. Le papier, épais, résiste à la force du geste, à sa puissance émotive et signifiante. Les valeurs se superposent peu à peu, nées de la pierre noire et de la graphite posées l’une après l’autre selon une technique développée par Sophie-Dorothée Kleiner. Quelques touches de couleur, parfois, évoqueront les grès vosgiens ou les forêts islandaises.
Au temps long du regard et de la méditation succède ainsi l’instantané du dessin. Le paysage observé par la fenêtre devient peu à peu paysage intérieur, évoluant au gré de la lumière, de la fatigue, de l’émotion.
Pourtant, il y aurait autant à dire sur le vide qui entoure le trait que sur celui-ci. Le vide, qui entoure
toute chose et dont nous descendons tous, ce vide si important dans l’apprentissage de la calligraphie chinoise, ce vide, enfin, que Giuseppe Penone décrit comme une respiration : « Remplir un espace avec les méandres du souffle, le volume du souffle produit par la vie d’un homme. »
Ce difficile équilibre de la ligne dans l’espace nous raconte une quête, une quête ardue, et plus encore vivant dans le rythme effréné de nos sociétés : celle de la simplicité. Une simplicité dont Brancusi nous rappelle que l’on y arrive « malgré soi, en s’approchant du réel des choses. »
Sophie-Dorothée Kleiner fait sienne cette quête et nous offre ce geste juste, ce geste essentiel, celui qui mène au sublime, à la plénitude. Les dessins de Sophie-Dorothée Kleiner, jaillissant du vide, nous offrent à voir le spectacle de la vie qui germe et de nos émotions qui bouillonnent. Nous pourrons ainsi dire, comme Lygia Clark « Je pénètre dans le rythme total du monde. Le monde est mon poumon. »
Être confronté.e à un Paysage Intérieur, c’est ouvrir la porte de nos liens au vivant.
Lucie Mosca